Fractures du cuboïde

La fracture du cuboïde est une fracture moins connue, mais elle peut vraiment compromettre la mobilité et la stabilité du pied. Comprendre comment cette fracture se produit est important pour garantir une prise en charge rapide et efficace. En l'absence de diagnostic, ou en cas de diagnostic tardif, une fracture du cuboïde peut entraîner des complications mécaniques à court ou moyen terme, perturbant vos activités quotidiennes et sportives. Un diagnostic lésionnel précoce et précis est important pour favoriser une récupération optimale.
Comprendre la fracture du cuboïde
La fracture du cuboïde est une fracture touchant l'os cuboïde, un des os du pied situé au niveau du tarse, qui s'articule avec le calcanéus en arrière, formant l'articulation calcanéo-cuboïdienne, et avec les 4ème et 5ème métatarsiens en avant, formant l'articulation dite du Lisfranc latéral. Les articulations calcanéo-cuboïdienne et cubo-métatarsiennes, avec les bases des 4ème et 5ème métatarsiens, forment le pied calcanéen, ou pied de charge.
Notion de pied calcanéen
L’étude de l’activité musculaire (électromyographie) montre que le pied peut supporter plusieurs fois le poids du corps sans intervention de sa force musculaire. Il possède donc des systèmes passifs pour résister à la charge. Ce sont en « équivalents mécaniques » la poutre composite, l’arche et la ferme ou mieux l’arc. Il s’agit du couplage d’un élément rigide apte à subir des contraintes en compression (le chainon osseux) avec un élément de partie molle apte à contrôler des contraintes en tension. Ces éléments de parties molles sont fibreux (ligament, aponévrose) et contractiles (muscle).
Ces derniers éléments sont en général disposés autour de la chaîne ostéo articulaire en plusieurs couches. La partie externe ou latérale du pied représente une base solide d’appui au sol : c’est le pied calcanéen ou pied de charge. Ce bord ou arche externe, plat et musclé comprend dix os : les trois phalanges des deux derniers orteils, les quatrième et cinquième métatarsiens, le cuboïde et le calcaneus qui comble le talon.
Sur le plan articulaire, le pied calcanéen est remarquable par l’articulation calcanéo-cuboïdienne qui a une forme en selle de cheval et pour caractéristique d’inverser les mouvements. Cela est fondamental car en appui l’inclinaison du talon d’un côté induit l’inclinaison de l’avant pied de l’autre, ce qui fait varier le pas de l’hélice. La mobilité de l'articulation calcanéo-cuboïdienne est faible, de l'ordre de huit degrés.
L'articulation calcanéo-cuboïdienne est haubanée par un puissant ligament plantaire, dont un longitudinal qui se prolonge en avant jusqu’aux bases des troisième, quatrième et cinquième métatarsiens expliquant les difficultés de consolidation de la fracture de Jones à la jonction métaphyso-diaphysaire du cinquième métatarsien.
Les articulations entre la partie distale du cuboïde et la base des quatrième et cinquième métatarsiens sont des arthrodies et forment l’articulation de Lisfranc latérale. Elles ont leur grand axe oblique en bas vers la plante, leur permettant une mobilité oblique :
- Rapprochant les quatrième et cinquième métatarsiens serrés l’un à l’autre, vers l’axe du deuxième métatarsien en flexion plantaire,
- Les éloignant en flexion dorsale, laquelle est relativement importante,neuf degrés pour la cubo-M5 et dix à onze degrés pour la cubo-M4.Les ligaments sont surtout développés à la plante et les deux métatarsiens sont unis à leur base par un ligament interosseux et à leur extrémité par le ligament intermétatarsien.
Sur le plan musculaire, le pied calcanéen donne attache directement à deux muscles :
- Le puissant triceps sural qui vient de la loge postérieure de la jambe et s’arrime sur la tubérosité postérieure du calcanéus et dont quelques fibres se prolongent sur la grande aponévrose plantaire pour former le système achilléo-calcanéo-plantaire sustenteur et propulseur.
- Le muscle court fibulaire ou court péronier, qui arrime la face latérale de la jambe sur la base volumineuse du cinquième métatarsien. C’est un puissant éverseur du pied. Lorsque le pied est fixe au sol, il participe à freiner l’avancée de la jambe tout en contrôlant sa rotation médiale.
- Parfois un troisième muscle, appelé troisième péronier ou fibulaire accessoire, vient s’attacher sur le cinquième métatarsien.
Une notion de grande importance fonctionnelle est à souligner, le pied calcanéen permet la réflexion du trajet de trois muscles destinés au pied astragalien ou pied talien, propulseur. Ces muscles vont donc prendre appui sur cette partie latérale stable du pied pour activer le levier propulsif médial. Ces muscles sont :
- Le long fibulaire, ou long péronier qui passe sous le cuboïde avec parfois développement d’un ossicule intra tendineux à ce niveau. Ce dernier peut être à l’origine d’une pathologie douloureuse.
- Le long fléchisseur de l'hallux, et le long fléchisseur des orteils. Le long fléchisseur de l'hallux vient de la partie haute et postérieure de la jambe et passe sous le sustentaculum tali qui est un promontoire osseux à la partie médiale du calcanéus. La contraction du long fléchisseur de l'hallux a tendance à repousser le sustentaculum tali vers le haut et donc à faire basculer le calcanéus en dehors (en varus) ce qui induit le vrillage du pied en inversion. Ce sustentaculum tali soutient aussi la tête du talus déportée en dedans par la déviation du col de cet os (angle de déclinaison).
Le pied calcanéen est aussi caractérisé par une partie charnue musculaire représentée par les muscles intrinsèques, au nombre de trois, ils sont situés à la partie plantaire.
La partie inférieure de la tubérosité postérieure du calcaneus donne attache à l’épaisse aponévrose plantaire qui la relie aux bases des premières phalanges des orteils. Cette lame aponévrotique est très peu extensible et correspond à l’entrait de la ferme ou à la corde de l’arc qui empêche ses deux points d’attache de s’éloigner. Elle est mise en tension par la flexion dorsale des orteils. La face supérieure ou dorsale de cette aponévrose donne attache aux fibres charnues du muscle intrinsèque court fléchisseur des orteils. Juste avant s’attache le petit muscle de la chair carrée de Sylvius qui va rejoindre la face postérieure du tendon fléchisseur long des orteils afin d’aligner la force de traction de celui-ci dans l’axe du pied. Une partie du court fléchisseur des orteils s’attache aussi au calcanéus en dessous de la chair carrée. Le court abducteur de l’hallux s’attache à la partie médiale de la tubérosité postérieure. A la partie supérieure de la tubérosité antérieure du calcaneus s’attache le court extenseur des orteils ou muscle pédieux, sauf pour le cinquième orteil qui n’en a pas.
Enfin sur la plancher du sinus tarsien viennent s’attacher les frondes du système rétinaculaire qui brident et contrôlent les tendons extenseurs.
On comprend ainsi mieux la participation des muscles au système de la poutre composite os-muscle ainsi que chaîne ostéo-articulaire-muscle. Ce pied dont l’arche est peu marquée peut ainsi résister à la charge permanente durant la position debout et à la marche. Ces muscles intrinsèques agissent surtout comme verrouilleurs articulaires et durcisseurs des bras de levier.
Il est remarquable que le pied calcanéen dont l’arche est peu marquée, n’ait aucun rapport articulaire avec la jambe mais il donne attache au puissant faisceau fibulo calcanéen qui forme la partie postérieure du ligament collatéral latéral communément appelé ligament latéral externe de la cheville.
Cette portion du pied n’a donc qu’un rapport ligamentaire avec le péroné ou fibula, mais cette fibula est très importante dans le fonctionnement du pied et a été appelée « véritable os du pied » par l’anatomiste et chirurgien Destot. La réparation des lésions osseuses et ligamentaires devra toujours être attentive et juste.
Causes et facteurs de risque
Les causes de la fracture du cuboïde peuvent être diverses, mais voici les plus courantes :
- Traumatismes directs : Des chutes, des coups ou des accidents sportifs peuvent provoquer une fracture.
- Mouvements de torsion : Des mouvements en torsion, comme l'inversion du pied, peuvent être à l'origine de ce type de lésion.
- Contraintes répétitives : Les activités qui engendrent des impacts répétés sur le pied, comme la course ou certains sports, peuvent affaiblir l'os et mener à une fracture de stress encore appelée fracture par insuffisance osseuse.
Les facteurs de risque associés à cette fracture comprennent :
- Antécédents traumatiques : En cas d'antécédents d'entorse de la cheville ou du pied avec laxité et troubles de proprioception associés, vous pourriez être plus exposé à ce type de fractures.
- Ostéopénie ou ostéoporose : Une faible minéralisation osseuse peut accroître le risque de fractures.
- Chaussures inadaptées : Porter des chaussures mal ajustées ou inappropriées pour certaines activités peut également contribuer à ce problème.
Reconnaître ces risques potentiels et prendre quelques précautions peut vraiment aider à réduire les risques de fracture du cuboïde.
Symptômes à reconnaître
Si vous souffrez d'une fracture du cuboïde, le premier signe que vous pourriez ressentir est une douleur intenseet exquise à la palpation du cuboïde. Cette douleur est souvent accompagnée d'un gonflement et d'un hématome qui rend difficile le port de chaussures voire la marche. Voici quelques symptômes courants à surveiller :
- Une douleur aiguë lorsque vous appuyez sur votre pied.
- Une sensation de chaleur ou d’inconfort dans la zone traumatisée.
- Un gonflement qui peut s'étendre à d'autres parties de votre pied.
- L'hématome du pied est classique en cas de fracture du cuboïde.
Difficultés de mouvement
Un autre symptôme dont il faut être attentif est la difficulté à bouger le pied ou la cheville. Cette limitation est généralement causée par la douleur et l’instabilité liée à la fracture. Vous pourriez remarquer :
- Une incapacité à supporter votre poids sur le pied blessé.
- Des restrictions dans vos mouvements de flexion et d’extension.
- Des douleurs augmentées par l'irrégularité du terrain.
Ces symptômes méritent toute votre attention, car les identifier rapidement permet une prise en charge appropriée. N'hésitez pas à consulter rapidement en cas de d'impotence fonctionnelle avec un hématome du pied suite à un traumatisme, même si ce traumatisme ne vous semble pas spéctaculaire. Les fractures du cuboïde peuvent être diagnostiquées à un stade tardif ou au stade séquellaire en l'absence de consultation précoce.
Diagnostic de la fracture du cuboïde
Le diagnostic de la fracture du cuboïde commence souvent par un examen physique minutieux. À ce stade, le professionnel de santé va :
- Évaluer la douleur en palpant le cuboïde.
- Observer s'il y a un gonflement ou des ecchymoses autour de la cheville.
- Tester la mobilité du pied pour repérer d'éventuelles limitations de mouvement.
- Recueillir les antécédents médicaux du patient, en portant une attention particulière aux traumatismes récents.
Ces informations cliniques jouent un rôle important pour poser un premier diagnostic et orienter les examens complémentaires.
Imagerie médicale
Pour confirmer le diagnostic et orienter la stratégie thérapeutique, il est nécessaire de faire appel à des techniques d'imagerie médicale. Les méthodes les plus couramment utilisées incluent :
- Radiographies en charge si possible : Elles sont la première étape pour visualiser les fractures et les arrachements osseux, y compris pour le cuboïde.
- IRM : Une imagerie par résonance magnétique aide à détecter des lésions plus subtiles, comme des fractures de stress, encore appelées fractures de fatigue ou fractures par insuffisance osseuse.
- Scanner : Le scanner permet une analyse fine de la trame osseuse, il précise la fracture : déplacements, comminution, refends articulaires et analyse de la congruence articulaire.
Recourir à ces techniques aide les médecins à poser un diagnostic précis et à déterminer la meilleure approche pour le traitement du patient.
Traitements disponibles
Lorsque l'on traite une fracture du cuboïde, l'option conservatrice, non chirurgicale, peut être proposée surtout si la fracture est stable et la congruence articulaire respectée. Ces approches visent à soulager la douleur et à favoriser la consolidation osseuse sans avoir à passer par la chirurgie. Voici quelques-unes des méthodes les plus courantes :
- Immobilisation : On utilise des plâtres ou des bottes de marche pour garder le pied au repos et bien stabilisé.
- Repos : Il est important d'éviter les activités qui pourraient mettre trop de pression sur le pied blessé.
- Application de glace : Appliquer de la glace sur la zone touchée aide à réduire le gonflement et à calmer la douleur.
- Médicaments anti-inflammatoires : Ces médicaments peuvent être prescrits pour soulager la douleur et diminuer l'inflammation.
- Médicaments antalgiques : La prise en charge de la douleur est capitale, elle permet de limiter le risque d'algodystrophie.
- Traitement anticoagulant : Toute lésion ou toute immobilisation n'autorisant pas le patient à appuyer sur le côté lésé et à dérouler le pas, nécessite l'instauration d'un traitement anticoagulant pour prévenir le risque de phlébite.
Traitement chirurgical
En cas de fracture déplacée, une intervention chirurgicale peut être nécessaire. Le chirurgien orthopédique joue un rôle clé ici, car il évalue la situation et propose les meilleures options de traitement. Le traitement chirurgical des fractures du cuboïde est réalisé par technique chirurgicale traditionnelle, dite à ciel ouvert. Plusieurs gestes chirurgicaux peuvent être réalisés :
- Réduction ouverte et fixation interne : Cette procédure consiste à réduire la fracture, à rétablir la congruence articulaire et à stabilser le montage avec du matériel chirurgical comme des plaques ou des vis.
- Greffe osseuse : En cas de fracture comminutive ou de fracture avec tassement de l'os spongieux, un greffon osseux peut être utilisé pour favoriser la consolidation osseuse en rétablissant la longueur du cuboïde et la congruence articulaire.
- Arthrodèse calcanéo-cuboïdienne : En cas de communition majeure, ou de fracture associée du calcanéus, une arthrodèse calcanéo-cuboïdienne peut être réalisée en première intention. Il s'agit d'obtenir la fusion entre le calcanéus et le cuboïde.
- Arthroplasties cubo-métatarsiennes : En cas de séquelles de fracture du cuboïde avec lésion articulaires cubo-métatarsiennes, l'arthroplastie sphérique au pyrocarbone permet de conserver une mobilité adaptative au niveau des articulations du Lisfranc latéral.
N'hésitez pas à discuter avec votre médecin des risques et des avantages associés à ces options chirurgicales. La décision de procéder à une intervention dépend de plusieurs facteurs, comme la gravité de la fracture et votre état de santé général. En étant bien informé, vous pourrez prendre des décisions éclairées concernant votre traitement.
Réhabilitation et récupération
La réhabilitation après une fracture du cuboïde est un moment clé pour retrouver une bonne fonction de votre pied et éviter d'éventuelles complications notamment l'enraidissement articulaire. En suivant un programme de réhabilitation bien conçu, vous pourrez :
- Retrouver une bonne mobilité et une bonne stabilité du pied.
- Renforcer les muscles stabilisateurs de votre pied et de votre cheville.
- Éviter les raideurs articulaires.
- Optilmiser votre récupération fonctionnelle.
Il est important de commencer la réhabilitation dès que votre médecin vous en donne le feu vert. Adopter une approche proactive peut vraiment changer la donne dans votre parcours de récupération.
Exercices recommandés
Pour favoriser votre récupération après une fracture du cuboïde, des exercices spécifiques sont indispensables. Voici quelques activités que vous pourriez intégrer :
- Étirements des chaines musculaires postérieures : Ces exercices aident à garder votre souplesse et à limiter les contraintes articulaires à la cheville et au pied.
- Renforcement musculaire : Utiliser des bandes élastiques est une excellente manière de travailler les muscles de votre pied et de votre cheville.
- Équilibre sur une jambe : Cet exercice est parfait pour améliorer votre stabilité et votre coordination.
- Reprise sportive progressive : Commencez par de courtes distances et augmentez progressivement. Cela permettra à votre pied de s’adapter en douceur.
- Exercices de proprioception : Travailler sur un coussin instable ou une surface inégale renforce vos muscles stabilisateurs et améliore votre équilibre.
N'hésitez pas à consulter un professionnel de la santé avant de commencer tout programme d'exercice, afin de vous assurer que les activités choisies correspondent bien à votre situation.
FAQs sur la fracture du cuboïde
La durée de consolidation d'une fracture du cuboïde peut varier selon les caractéristiques de la fracture. En général, il faut compter 3 mois pour que la fracture soit solide, et 6 mois pour que l'os soit robuste. Plusieurs éléments peuvent influencer ce délai, notamment :
- La gravité de la fracture
- L'âge du patient
- L'état de santé général
Pour maximiser vos chances de récupération, il est recommandé de suivre les conseils de votre médecin.
Les complications liées à une fracture du cuboïde peuvent être :
- Une infection toujours possible en cas de traitement chirurgical
- Un défaut de consolidation osseuse appelé pseudarthrose
- Le développement d'une arthrose à court ou moyen terme
L'analyse précise de la fracture du cuboïde permet de choisir le traitement adapté, fonctionnel, orthopédique, ou chirurgical. Un traitement adapté permet de limiter les risques de complications.
La reprise du sport après une fracture du cuboïde dépend surtout de vos lésions, de la consolidation de la fracture, et des lésions potentiellement associées.
En général, il est préférable d'attendre que :
- La douleur ait disparu.
- Les résultats des examens confirme la consolidation osseuse.
La reprise des activités sportives peut se faire de la façon suivante :
- À trois mois du traumatisme ou postopératoire : Reprise des sports sans impact comme le vélo, la natation, le yoga, le pilâtes.
- À six mois : L'ensemble des sports peut être repris.
Le diagnosic précoce et précis d'une fracture du cuboïde peut faire toute la différence pour votre récupération fonctionnelle. Cette lésion peut vraiment affecter votre qualité de vie, alors n’hésitez pas à consulter un professionnel de santé en cas de pied gonflé et douloureux suite à un traumatisme, même si le traumatisme ne vous parait pas particulièrement important.